Mixité sociale : le défi réunionnais

Publié le par front de gauche-reunion

Construction.JPGSur un territoire aussi contraint que la Réunion, tant en terme foncier qu’en terme économique, accepter la mixité sociale en matière de logement est un impératif moral … non dit. Malheureusement, de plus en plus de personnes, tout en se déclarant favorables à la mixité, pratiquent le NIMBY (Not in my back yard) par toutes sortes de subterfuges possibles et imaginables. C’est ce que nous avons hélas pu découvrir dernièrement à La Possession. Fait aggravant, les collectivités ne sont elles-mêmes souvent pas en reste. Seules cinq d’entre elles atteignent les fameux 20% de locatif social édictés par la loi SRU. Conséquence : le déficit de logements sociaux atteint 26 000 unités (ce qui, à due proportion, correspondrait à 1,7 million en France métropolitaine contre un déficit réel de 1,2 million) dont la moitié de ces demandes émane de jeunes ménages. Or, publics et privés compris, nous ne parvenons plus qu’exceptionnellement, depuis les années 2000 et pire encore depuis 2007, aux 2 500 logements sociaux de la décennie 90. Enfin, pour être réaliste, des 10 000 logements neufs à construire chaque année jusqu’en 2030 pour résorber le déficit et absorber les nouvelles demandes (préconisations SAR), on pourrait estimer – compte tenu de la présente faiblesse des revenus des ménages et des sommets atteints par le prix du foncier abandonné au marché libre – à 70% la part des logements sociaux, soit 7 000 par an. Le défi qui nous attend ne peut donc souffrir d’aucun obstacle. Ni du refus de la mixité sociale, ni de l’aménagement du foncier, ni des engagements financiers.


Pour ce qui est de la mixité sociale, même les relèvements du seuil minimal de logements sociaux à 25%, ou à 30% en zone de tension voire même à 50% pour toutes les opérations de plus de 10 logements dans les communes ne respectant la loi SRU n’y suffiront peut-être pas. Et évidemment, au-delà du règlementaire, il nous faudra aussi agir localement sur l’humain : par plus d’accès à l’emploi, un renforcement éducatif, une mise à disposition d’équipements de vie collective, le cas échéant par la répression, pour rendre à nouveau possible la vie en communauté (respect des personnes, des parties communes des immeubles, limitations des nuisances sonores, etc. mais aussi au passage le rejet catégorique de toute forme de néo-colonialisme).


Pour ce qui est du financier, les aides fiscales au logement spéculatif privé devront cesser. Elles ne font qu’aggraver l’exclusion en tirant vers le haut les prix du foncier, des matériaux de construction et des loyers. En revanche, une taxe « contribution au logement » de 10% sur les revenus financiers pourra être instaurée, la majoration de l’employeur être véritablement portée à 1% et le plafond du livret A à 20 000 €. Un service public national et décentralisé du logement, de l’habitat et de la ville regroupera un pôle public financier, un pôle public de la construction, une agence nationale foncière et les outils démocratiques et locaux de mise en œuvre du droit au logement.

Pour se faire une petite idée des seuls enjeux réunionnais, le COF (Contrat d’Objectif Foncier) a fixé, en 2009, à 826 millions d’€ les engagements de l’Etat pour atteindre les quelques 33 000 logements sociaux actuellement programmés. Les 659 ha de terrain répertoriés en périphérie urbaine peuvent pour leur part être évalués – à système économique constant – à 100€ le mètre-carré non-équipé, soit une facture de 659 millions d’€ supplémentaires.


Les efforts financiers publics à prévoir – hors considérations écologiques et logements étudiants – sont donc colossaux et bien au-delà de ce qui a été entrepris jusqu’à présent (aux alentours de 100 millions d’€ par an). D’un point de vue politique, il nécessitera de reprendre le pouvoir au niveau national et européen aux oligarques actuels (banques, assurances, marchés financiers). Un horizon réunionnais devra être partagé par tous et une implication citoyenne sans cesse encouragée.

 

Jean-Hugues Savigny

Front de gauche

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